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on a des cheveux gris et des rides qu’on s’attend qu’une jeune et jolie reine de vingt ans fasse passer par des chemins détournés pour autre chose que pour des affaires[1]. » La réflexion était d’un philosophe ; mais M. de Besenval avait-il toujours eu cette philosophie ? N’avait-il pas oublié un jour ses cheveux gris et ses rides jusqu’à s’oublier lui-même, qu’à se jeter aux genoux de la Reine ? Levez-vous, Monsieur, dit la Reine, le Roi ignorera un tort qui vous ferait disgracier pour toujours[2]. Et M. de Besenval s’était relevé balbutiant, avec une de ces hontes dont un galant homme garde le remords et rougit de se venger.

Voici pourtant autre chose qu’une phrase, voici une déposition. Voici tous les faits, toutes les preuves, en un mot, l’accusation de M. de Lauzun. Il serait trop facile de discuter le témoin, cet homme « romanesque n’ayant pu être héroïque, » cet homme jugé par ses Mémoires, cet homme qui, vivant, a compromis toutes ses amours, et, mort, les a déshonorées. Nous ne parlerons pas de l’homme : le laisser parler est la meilleure façon de venger l’honneur de Marie-Antoinette.

La Reine avait rencontré M. de Lauzun chez madame de Guéménée ; elle l’accueillait avec bonté. « En deux mois, dit Lauzun, je devins une espèce de favori[3]. » M. de Lauzun ne rappelle pas ici que sa faveur a commencé auprès de la Dauphine le jour

  1. Mémoires de Besenval, vol. II.
  2. Mémoires de Mme Campan, vol. I.
  3. Mémoires de M. le duc de Lauzun, Paris, 1822.