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jusqu’à cet éclat de la prévention nationale, et dire, ne fût-ce qu’en les indiquant, toutes ces accusations anonymes et flottantes, qui ont été l’annonce, l’essai de l’accusation au grand jour et à haute voix.

C’est là un des pénibles devoirs de l’historien de Marie-Antoinette. Quoi qu’il lui coûte, quoi qu’il lui répugne, il lui est ordonné de descendre un moment au scandale, et de confronter avec l’outrage de la mémoire de la Reine. Il voudrait mépriser de si misérables injures, les abandonner à leur honte, les couvrir de son silence ; mais dans une telle question, la vertu de la Reine, il est des résignations que l’histoire exige de lui, des pudeurs dont la vérité lui demande le sacrifice. Dure loi, qu’il soit besoin de redire la calomnie pour lui répondre !

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La calomnie ! Et quel est le jour depuis 1774 où la calomnie s’est reposée autour de Marie-Antoinette ? Depuis le Lever de l’Aurore jusqu’à ces pamphlets qui demain vont parvenir gratuitement et affranchis à toute la France, que n’a-t-elle répandu ? que n’a-t-elle osé ? où n’a-t-elle pénétré ? Elle a forgé des libelles dans les bureaux de la police[1] ! Hier elle jetait des chansons dans l’Œil-de-Bœuf, aux pieds du Roi ! Aujourd’hui où n’est-elle pas ? Écoutez les on-dit, les propos, les suppositions, les imaginations, les paroles à l’oreille, les éclats de rire ;

  1. Mémoires de Mme Campan vol. I.