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Alors, ignorant et cherchant vainement ses crimes, désespérée et se rattachant à tout souvenir, à la superstition du passé, elle achetait le château de Saint-Cloud. Ce n’était pas seulement, pour la mère, le séjour conseillé à son fils par la Faculté de médecine[1] ; ce n’était pas seulement, pour l’épouse, la réunion de la famille royale pendant les réparations de Versailles : Saint-Cloud était aux yeux de la Reine un rapprochement entre elle et son peuple. Versailles, Trianon l’en avaient éloignée ; elle revenait au-devant de lui, auprès de lui. Saint-Cloud n’avait-il pas été le premier rendez-vous de sa popularité ? N’était-ce pas là que la France avait commencé à l’aimer ? L’écho des jardins ne gardait-il pas encore les applaudissements de la foule, le bruit de son bonheur et de sa gloire ? Comment ne pas croire au bon génie du lieu ? Et quand elle se promènerait comme jadis, coudoyée, coudoyant, à travers les Parisiens du dimanche, quand elle se mêlerait aux plaisirs et aux spectacles de tous, regardant les joutes à côté des bateliers, ses enfants à la main, quand elle montrerait le Dauphin à tout Paris, le Dauphin élevé de ses deux bras au-dessus des vivats, quoi donc l’empêcherait de retrouver

  1. Mémoires de la République des lettres, vol. XXVI. — Saint-Cloud fut acheté par la Reine, surtout à cause de ses enfants, ainsi qu’elle le dit dans cette lettre à son frère Joseph II : « M. le duc d’Orléans me vend Saint-Cloud, le contrat n’en sera passé qu’au mois de janvier. Le Roi est convenu qu’il sera en mon nom et que je pourrai le donner à celui de mes enfants que je voudrais. Ils y passeront les étés. La Muette est trop petite pour les réunir. »