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absence ; et c’était sans embarras qu’elle venait souper chez elle à l’hôtel de Toulouse, et lui apporter ses compliments de condoléances à l’occasion de la mort de son frère, le prince de Carignan. C’était sans effort, et avec la joie d’un retour, que Marie-Antoinette revenait à cette amie qui s’était éloignée sans un murmure et qui se redonnait sans une plainte : « Ne croyez jamais, lui disait la Reine, qu’il soit possible de ne pas vous aimer ; c’est une habitude dont mon cœur a besoin[1]. »

D’autres déceptions attendaient Marie-Antoinette, contre lesquelles les consolations de madame de Lamballe devaient être insuffisantes. La satire, la chanson, le poison des noëls, le rire et la calomnie, sous Louis XIV enfermés dans Versailles, cachés dans les recueils à la Maurepas, maintenant publics, insolents, répandus par les presses clandestines, courant parmi le peuple, avaient désappris à la nation l’amour, à la populace le respect. Un voyage à Paris révélait à la Reine ce changement et ce renouvellement de l’opinion. Plus de bravos, plus d’acclamations… Recommenceront-ils jamais ces jours de 1777, ces cris, ces chants, ces chœurs d’opéra répétés par une salle en délire ? Le silence avait reçu la Reine, l’indifférence l’avait accompagnée. Elle était revenu à Versailles, toute en larmes, et se demandant : Mais que leur ai-je donc fait[2] ? Malheureuse ! elle commençait l’apprentissage de l’impopularité.

  1. Catalogue de lettres autographes du 22 mars 1848.
  2. Correspondance secrète (par Métra), vol. XVIII.