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ne lui avait jamais demandé de se compromettre, et qui, pour avoir moins de coquetterie, un manége moins gracieux, un agrément moins vif que l’amitié de madame de Polignac, ne le lui cédait ni en sincérité ni en dévouement. Il est des erreurs et des distractions du cœur qui ne touchent ni à sa mémoire ni à sa reconnaissance. La Reine n’avait point oublié madame de Lamballe. Son souvenir lui était resté présent, sans que la glace de son appartement où était peinte la princesse eût besoin de la lui rappeler[1]. Entre elle et madame de Lamballe, il semblait à la Reine qu’il n’y eût eu qu’une

  1. Mémoires de la République des lettres, vol. XXIX. — Il y avait un autre souvenir et pour ainsi dire un autre lien entre ces deux âmes. C’était un Office de la semaine sainte aux armes de Louis XVI, envoyé à la princesse de Lamballe, le jour de sa fête, un livre qui est dans la collection du comte de Lignerolles et dont M. de Lescure a le premier donné les trois précieux autographes jetés sur la garde du pieux volume : « Madame ma cousine, c’est aujourd’hui votre fête. Je vous prie de recevoir ce livre qui me vient de ma mère et où j’ai appris à prier Dieu, je le prie pour vous ; il bénit vos vertus. LOUIS. » « Mon cher cœur, moi aussi, je veux vous parler de toute mon amitié dans cette occasion. Je viens après le roi, mais je suis au mesme rang pour mon amitié pour vous ; mes enfants aussi vous aiment ; nous prions tous Dieu à genoux pour que vous soyez heureuse, ils savent bien, ma chère Lamballe, que vous vous plaisez à les regarder comme les vostres et vous estes dans leurs prières comme dans leurs cœurs. « MARIE-ANTOINETTE. « Madame, je ne vous oublierai jamais. « Votre cousine « MARIE-THÉRESE.