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défiait, elle le soupçonnait, elle se garait de ses bons offices, et s’applaudissait du refus de ce million que M. de Calonne voulait distribuer, au nom de la Reine de France, dans les trois millions donnés par Louis XVI aux pauvres de l’hiver de 1784.

La comédie de Figaro révélait encore à la Reine le danger d’une société qui ne craignait point d’abuser de son patronage. La société de madame de Polignac avait allumé la curiosité de la Reine sur cette merveilleuse satire de la cour et du siècle, écrite sans doute d’après nature et peut-être sur les indications du prince de Conti. La Reine donnait la Folle journée à lire au Roi ; et après la parole donnée par le Roi que la comédie ne serait pas jouée, après la lettre de cachet arrêtant la représentation aux Menus, qui osait braver les volontés du Roi, et faire jouer la comédie de Beaumarchais à sa maison de campagne ? M. de Vaudreuil. Qui semait le bruit de suppressions, de retranchements, et se portait garant de la moralité de l’œuvre ? M. de Vaudreuil. Qui enfin, le Roi battu par Beaumarchais, la pièce jouée en public, plaidait la cause et la gloire de Beaumarchais ? M. de Vaudreuil encore, aveuglant la cour et cherchant à aveugler la Reine. La Reine, trompant ces bruits de fol engouement qui remplissaient Paris, avait dit au docteur Seyffer, qui lui annonçait devant madame de Lamballe qu’il venait de voir Beaumarchais : Vous avez beau le purger, vous ne lui ôterez pas toutes ses vilenies[1]. Désa-

  1. Mémoires de la République des lettres, vol. XXIX.