Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/199

Cette page n’a pas encore été corrigée

tion de gouverneur du Dauphin[1]. La belle-sœur de madame de Polignac, Diane de Polignac, était l’aiguillon et la volonté de ces trois hommes. Elle fouettait leurs désires, leur paresse, leurs distractions, les armant, les gouvernant, leur traçant les plans de la journée, les munissant d’ordres, d’agendas même : si osée, si assurée en son crédit et en sa charge de dame d’honneur de madame Élisabeth, qu’elle laissait la jeune princesse s’enfuir un jour dans la retraite de Saint-Cyr, et Louis XVI la lui ramener. Les importunités vaines, les retards amenaient dans ce monde les bouderies et les aigreurs. Au milieu de ses amis préoccupés, mécontents, la duchesse Jules gardait la même humeur, le même front, la même douceur ; elle restait la même amie. Mais la Reine voyait bien qu’elle n’était qu’un instrument facile et sans conscience aux mains et à la discrétion de la duchesse, de la comtesse, de M. de Vaudreuil, de tous ceux qui l’approchaient et qu’elle servait sans se lasser. Un jour, dans une entrevue avec Mercy-Argenteau, un peu honteuse de sa faiblesse, après avoir cherché à s’abriter derrière sa sensibilité pour son amie, après avoir parlé longuement de « la difficulté qu’il y a de résister à cette complaisance d’amitié qui porte à excuser jusqu’aux défauts et aux torts de ceux auxquels on est attaché, » Marie-Antoinette s’échappait à dire tristement que la comtesse de Polignac était toute changée et qu’elle ne la reconnaissait plus.

  1. Mémoires de Mme Campan, vol I.