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dues à des goûts privés, leur sexe, leur âge, la simplicité de leur âme, la naïveté de leurs inclinations, la pureté et le dévouement de leurs tendresses, ne leur acquièrent ni l’indulgence des courtisans, ni le silence des méchants, ni la charité de l’histoire.

Cette expérience fut longue et douloureuse chez Marie-Antoinette ; car elle ne fut pas seulement la reconnaissance d’une erreur, elle fut encore la perte d’une illusion : Marie-Antoinette vit, et ce fut sa plus grande douleur, que les reines n’ont pas d’amis. Tant d’amitiés qu’elle avait crues sincères n’étaient que calcul et qu’intérêt. Ce monde charmant dont elle s’était entourée, ces hommes agréables, ces esprits enjoués, déchiraient leurs masques, lâchaient leurs ambitions, révélaient leurs exigences. Tous voulaient que Trianon les menât à la fortune, aux places, aux honneurs, au maniement des grandes choses de Versailles. Les plus étourdis avaient leurs soifs, leurs appétits, leurs buts, leurs impatiences : et dans cette cour, qui semblait une partie de campagne de la royauté en vacances, l’intrigue ne tardait pas à se montrer, le courtisan à se révéler, la Reine à se défendre.

L’aimable bourru de la société, M. de Besenval, dédaigneux de places, voulait seulement faire les ministres[1] ; le joli chanteur, M. d’Adhémar, exigeait doucement l’ambassade de Londres ; M. de Vaudreuil lui-même caressait à la dérobée la posi-

  1. Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de La Marck, vol. I.