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France[1] ; qui soutenait Gluck de tant de bravos, lui amenait les applaudissements de la cour, le défendait avec un si beau feu d’enthousiasme contre le franc parler de M. de Noailles[2], lui donnait comme répondant M. le duc de Nivernois dans une affaire d’honneur[3], l’encourageait par tant de promesses de succès aux premières auditions, entourait sa vanité de tant de soins, faisait elle-même la police du silence dans son salon lorsqu’il se mettait au clavecin, luttait enfin de sa personne et de toutes ses forces pour la fortune de ses opéras contre le goût musical de la nation. Garat et la Saint-Huberty trouvaient les mêmes attentions et le même zèle de protection[4] chez cette Reine, qui donnait à toutes les gloires sa main à baiser, comme Louis XIV faisait asseoir Molière.

L’amour de la musique avait mené la Reine à l’amour du théâtre. Le théâtre est le grand plaisir de Marie-Antoinette, et la plus chère distraction de son esprit. Ne va-t-elle pas, dans sa passion, jusqu’à écouter la première lecture des pièces que les auteurs destinent au théâtre ? Une semaine elle en entend trois[5]. Mais quoi ! n’est-ce pas la folie du temps ? La France joue la comédie, du Palais-Royal au château de la Chevrette, et il faut un ordre du ministre de la guerre pour arrêter dans les régiments la fureur comique et tragique[6]. Quelle reine

  1. Mes récapitulations, par Bouilly, vol. I.
  2. Mémoires de la République des lettres, vol. XXI.
  3. Correspondance secrète, par Métra, vol. I.
  4. Ibid.
  5. Mémoires de Mme Campan. — Mémoires de Weber.
  6. Mémoires de la République des lettres, vol. VI.