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ment ; il flattait avec un ton rude. Il semblait un de ces adroits manieurs de choses fragiles, dont les grosses mains, ménageant les objets qu’ils paraissent brutaliser, font trembler et ne cassent rien. Se piquant de tout savoir, parce que sa tête était la table d’une encyclopédie, il parlait de tout à la cour, après avoir fait une savante étude de tout ce qu’il faut taire aux souverains. Ses témérités étaient excusées par cette belle mine qui lui allait à merveille. Les libertés ne fâchaient pas dans sa bouche. Ses familiarités étaient jugées une bonhomie, ses colères une naïveté, ses drôleries un germanisme, et même il n’était pas boudé longtemps pour cet air soldat aux gardes suisses qu’il ne négligeait pas. « Baron ! quel mauvais ton ! — criaient les dames, — vous êtes affreux ! » et il était pardonné ; car il avait ce grand charme et cette grande science : l’excellent ton dans le mauvais ton[1].

Il était dans la nature comme dans le rôle d’un courtisant pareil d’encourager les goûts de Marie-Antoinette, de l’enhardir dans ses plaisirs, d’affranchir sa conscience de reine, de la convaincre en un mot de son droit au bonheur des particuliers. M. de Besenval n’y manquait pas : que d’exhortations, quelle guerre contre les préjugés de l’étiquette ! N’était-ce pas duperie de se contraindre, de se condamner aux impatiences, à l’ennui, de se refuser les délices de la société, les délices des premiers de ses sujets ? Dans ce siècle d’affranchissement,

  1. Mélanges militaires, etc., vol. XXIX