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cor printanier et galant, le décor des personnages et des comédies de Lancret. Ce sont de ces architectures à jour que le dix-huitième siècle mariait si joliment à la verdure, de ces barrières à travers lesquelles passent le ciel et les fleurs, les zéphyrs et les regards : c’est la salle des fraîcheurs, et ses deux portiques de treillages, et ses trente-six arcades abritant chacune un oranger, et leurs pilastres dont chacun est surmonté de la tête en boule d’un tilleul[1].

Mais de l’autre côté, à la droite du palais, vous entrez au premier pas dans la création de la Reine, dans le jardin anglais. « Le jet d’eau joue pour les étrangers, le ruisseau coule ici pour nous, » pourrait dire la Reine comme la Julie de Rousseau. Ici se retrouve le caprice, et presque le naturel de la nature. Les eaux bouillonnent, serpentent, courent ; les arbustes semblent semés au gré du vent. Huit cents espèces d’arbres, et des arbres les plus rares, le mélèze pleureur, le pin d’encens, l’yeuse de Virginie, le chêne rouge d’Amérique, l’acacia rose, le févier et le sophora de la Chine, marient leur ombre et mêlent toutes les nuances de la feuille, du vert au pourpre-noir et au rouge-cerise[2]. Les fleurs sont au hasard. Le terrain monte et descend à sa volonté. Des cavernes, des fondrières, des ravins, cachent à tout moment l’art et l’homme. Les allées tournent et se brisent, et prennent le plus long pour n’avoir pas l’air trop ruban. Des pierres ont fait des

  1. Le Cicerone de Versailles, Jacob, 1806.
  2. Lettre d’E…ée de B…on (Mlle Boudon), Troyes, 1791.