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Elle n’avait d’autres craintes que de ne pas témoigner sa reconnaissance par des marques assez extraordinaires, par des récompenses assez éclatantes, par des faveurs assez magnifiques. Tout son souci était de faire monter madame de Polignac jusqu’à la Reine et de descendre la Reine jusqu’à madame de Polignac. Elle ne songeait qu’à rapprocher sa vie de la vie de son amie, menant sa cour chez madame de Polignac avant de se rendre à l’Opéra, s’ingéniant à la quitter le moins possible, sollicitant et obtenant du Roi, lors des couches de madame de Polignac, l’avancement des petits voyages bien avant leur époque habituelle, de façon à voir l’accouchée tous les jours, à être à portée de ses nouvelles, ne voulant entre elle et cette chère personne que la distance de la Muette à Passy, et rêvant déjà pour le nouveau-né de madame de Polignac le duché de la Meilleraie[1]. Ainsi, à tous les moments, par tous les moyens de sa puissance, par tous les oublis de son rang, cette Reine, parmi ces amertumes qui emplissent bien souvent les souverains, livrait son cœur à ce cœur qui l’entendait, à cette amie vraie et sensible, dévouée à sa personne, et que rien, croyait-elle, ne pouvait attacher à sa couronne.

Terray, Maupeou, la Vrillière hors du ministère, l’esprit du ministère avait continué d’être hostile à la Reine. Maurepas, voulant régner seul, demeurait en garde contre elle, et répétait au Roi « qu’il n’y avait

  1. Mémoires de la République des lettres, vol. XV.