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la Reine, s’ils n’avaient été attachés avec des cordes. La place publique est dans la chambre. Des Savoyards grimpent sur les meubles pour mieux voir. On ne peut remuer. La Reine étouffe. Il est onze heures trente-cinq minutes : l’enfant arrive. La chaleur, le bruit, la foule, ce geste convenu avec madame de Lamballe, qui dit à la Reine : Ce n’est qu’une fille ! tout amène une révolution chez la Reine. Le sang se porte à sa tête ; sa bouche se tourne. « De l’air ! — crie l’accoucheur ; — « de l’eau chaude ! Il faut une saignée au pied ! » La princesse de Lamballe perd connaissance, on l’emporte. Le Roi s’est jeté sur les fenêtres calfeutrées, et les ouvre avec la force d’un furieux. Les huissiers, les valets de chambre, repoussent vivement les curieux. L’eau chaude n’arrivant pas, le premier chirurgien pique à sec le pied de la Reine ; le sang jaillit. Au bout de trois quarts d’heure, dit le récit du Roi, la Reine ouvre les yeux : elle est sauvée[1] !

Deux heures après, la fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette était baptisée dans la chapelle de Versailles par Louis de Rohan, cardinal de Guéménée, grand aumônier de France, en présence du sieur Broquevielle, curé de la paroisse Notre-Dame. Elle était tenue sur les fonts par Monsieur, au nom du Roi d’Espagne, par Madame, au nom de l’Impé-

  1. Journal de Louis XVI et autres manuscrits du Roi trouvés dans l’armoire de fer. Couches de la Reine, le 19 décembre 1778 (Archives générales du royaume). Revue rétrospective, vol. V. Mémoires de Mme Campan, vol. I.