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J’ai été si longtemps sans oser me flatter du bonheur d’être jamais grosse, que je le sens bien plus vivement à cette heure, et qu’il y a des moments encore où je crois que tout cela n’est qu’un songe, mais ce songe se prolonge pourtant et je crois qu’il n’y a plus de doute à avoir. » Dans une autre lettre du 14 août 1778, Marie-Antoinette dit : « Mon enfant a donné le premier mouvement le vendredi 31 juillet, à dix heures et demie du soir ; depuis ce moment, il remue fréquemment, ce qui me cause une grande joie. »

À la suite de ce premier mouvement, elle venait se plaindre au Roi d’un de ses sujets assez audacieux pour lui donner des coups de pieds dans le ventre. Le roi était empressé comme un amant, heureux déjà comme un père, si heureux qu’il trouvait des paroles aimables pour tous, et même pour le vieux duc de Richelieu. La grossesse fut laborieuse. Les chaleurs de l’été de 1778 fatiguaient la Reine, qui ne goûtait un peu de fraîcheur et ne retrouvait un peu de force que le soir. Vêtue d’une robe de percale blanche, la tête sous un grand chapeau de paille, elle passait sur la terrasse de Versailles, dans la société de ses belles-sœurs et de ses amis, une partie de la nuit à écouter les symphonies des musiciens, au milieu de tout Versailles accouru, et coudoyant presque la famille royale[1] ; nuits délicieuses, où le bruit mystérieux des instruments cachés dans les verdures, le murmure

  1. Mémoires de Mme Campan, vol. I. — Mes Récapitulations, par Bouilly. Paris, Jannet, vol. I.