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histoires, n’ont rien dit de ce tourment de Marie-Antoinette qui explique tant de choses et tous ses caprices : la Reine appelait un Dauphin, la femme attendait la mère. Et que de larmes dévorées à chaque accouchement d’une princesse de la famille royale ! « J’ai caché mes larmes pour ne pas troubler leur joie, » écrit-elle après l’accouchement de Madame. Que de muettes souffrances ! que de désespoirs sans confident, pendant ces longues années où la Reine se croit toujours poursuivie de ces reproches que les poissardes lui ont jetés dans leur langue grossière, de ne pas donner d’enfants à la France ! Pauvre Reine ! Elle essayait de se tromper elle-même, de donner à l’enfant d’une autre ses soins et ses tendresses, d’être mère comme elle pouvait. Elle tâchait d’adopter ce petit paysan de Saint-Michel qu’elle faisait déjeuner et dîner avec elle ; elle s’efforçait de lui dire : Mon enfant

Dans les derniers mois de 1777, la Reine faisait appeler madame Campan et son beau-père, et leur disait « que, les regardant comme des gens occupés de son bonheur, elle voulait recevoir leurs compliments ; qu’enfin elle était Reine de France et qu’elle espérait bientôt avoir des enfants. »

La Reine était grosse. Dans une lettre datée du 16 mai 1778 et adressée à Marie-Thérèse, Marie-Antoinette annonce enfin cette grossesse, depuis si longtemps désirée par la mère et la fille. « J’ai vu ce matin mon accoucheur (c’est Vermond, un frère de l’abbé)… Selon son calcul et le mien, j’entre dans le troisième mois ; je commence déjà à grossir visiblement…