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alarmes presque d’une sage personne qui aime son repos et se laisse à regret condamner à la grandeur. Et c’est là précisément qu’est le secret de cette fortune énorme, de ces accroissements, de ces honneurs qui lasseront sa reconnaissance sans l’enivrer. Ce prix que madame de Polignac met aux tendresses de la Reine, et ce détachement qu’elle a de toutes ses grâces ; cette calme et sincère déclaration « que si la Reine cessait de l’aimer, elle pleurerait la perte de son amie et n’emploierait aucun moyen pour conserver les bontés particulières de sa souveraine[1] ; » ce défi au pouvoir des bienfaits de la Reine, voilà la provocation à ces bontés sans cesse renaissantes de Marie-Antoinette, à ces largesses et à ces prévenances royales, que la Reine imaginera chaque jour, pour accabler son amie sous sa fortune, et lui faire tant d’envieux qu’elle la mesure enfin !

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Mais l’amitié suffit-elle à occuper un cœur de femme ? Et même, est-ce assez de l’amour d’un mari pour qu’il ne soit plus vide, ni inquiet ni troublé ? N’est-ce pas l’amour maternel seul, qui, en accomplissant l’amour dans la femme, la fixe enfin et l’emplit tout entière ? Ne condamnons pas, sans les peser dans leur cause, ces contradictions, ces lassitudes, ces changements, ces passages d’une amitié à une amitié, cette vivacité et cette inconstance de Marie-Antoinette. Les mémoires, les

  1. Mémoires, par la comtesse Diane de Polignac.