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charge de son premier écuyer pour M. de Polignac, et presque aussitôt une pension de 6,000 livres pour la comtesse d’Andlau[1].

La faveur des Polignac commençait. Madame de Polignac était parfaitement douée pour la soutenir et la pousser ; non qu’elle fût active, ardente, vive et infatigable en démarches, en poursuites, en sollicitations : mais elle avait, pour faire monter sa famille au plus haut crédit, mieux que le zèle de l’ambition, je veux dire l’indifférence et cette paix des désirs qui irrite le bon vouloir de l’amitié et pousse à bout les bons offices du hasard. En effet, par une de ces bizarreries dont semble s’amuser une ironie providentielle, cette favorite étrange et comme forcée n’a ni l’ambition, ni la fièvre, ni l’occupation, ni le contentement de la faveur. Au commencement de sa liaison avec la Reine, apprenant un complot du chevalier de Luxembourg contre elle, elle dira simplement et sincèrement à celle qui daigne être son amie : « Nous ne nous aimons pas encore assez pour être malheureuses si nous nous séparons. Je sens que cela arrive déjà, bientôt je ne pourrais plus vous quitter. Prévenez ce temps-là, laissez-moi partir de Fontainebleau… » Les chevaux étaient mis ; il fallut que la Reine se jetât à son cou et la conjurât de rester[2]. Plus tard, madame de Polignac apportera, dans le rêve de prospérités inouïes, le bon sens, le sang froid, les

  1. Mémoires par la comtesse Diane de Polignac.
  2. Fragments inédits des Mémoires du prince de Ligne. La Revue nouvelle, 1846.