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abattues, un col bien détaché, qui grandissait sa petite taille[1], des séductions contraires se mêlaient et s’alliaient chez la comtesse Jules de Polignac. Elle était belle, joliment, avec esprit, avec grâce. Une douceur piquante faisait le fond de sa physionomie et son agrément singulier. Tout chez elle, regard, traits, sourire, était angélique[2], mais angélique à la façon de ces anges bruns de l’Italie, mal baptisés, et qui sont des amours. Le naturel, le laisser-aller, l’abandon, charmaient chez madame de Polignac ; la négligence était sa coquetterie, le déshabillé sa grande toilette ; et rien ne la parait mieux qu’un rien : une rose dans les cheveux, un peignoir, une chemise, comme on disait, plus blanche que neige[3], la toilette libre, matinale, aérienne et flottante qu’ont essayé de saisir les crayons du comte de Paroy.

La Reine se sentit entraînée vers la comtesse Jules. Elle l’entendit chanter, et applaudit à la fraîcheur de sa voix. Elle l’appela à ses concerts, l’admit dans ses quadrilles, l’approchant d’elle en toute occasion[4], plus touchée à mesure qu’elle entrait plus avant dans cette humeur paisible, dans cette raison sérieuse et gaie, dans cet esprit de trente ans qui avait la jeunesse et l’expérience. Bientôt c’était entre la Reine et sa nouvelle amie le plus joli commerce de familiarité et d’étourderie, un échange

  1. Mémoires, par la comtesse de Polignac.
  2. Souvenirs et portraits, par M. de Levis, 1813.
  3. Mémoires du comte de Tilly. Paris, 1830, vol. I.
  4. Mémoires, par la comtesse Diane de Polignac.