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la campagne qu’elle a commandée : les arbres, la rivière, le rocher, et aussi la salle de comédie. Ici, un pont rustique, qui fasse jaloux le pont hollandais et le pont volant de M. Watelet ; là, dominant l’eau et y mirant ses sculptures, un belvédère où déjeunera la Reine ; là-bas, un moulin, dont le tic-tac réveillera l’écho ; des arbustes plus loin ; partout des fleurs ; et une île, et un temple à l’Amour, entouré du murmure de l’eau, et une laiterie de Reine, une laiterie de marbre blanc… Jamais Marie-Antoinette n’a donné autant d’ordres ; ce ne sont, envoyées de Versailles ou de la Muette, que recommandations et listes des jeunes arbres qui doivent donner l’ombrage à la promenade, « au travail » de la jeune souveraine. Ce ne sont que billets à M. Campan et à M. Bonnefoy, convocations de tous les jardiniers « pour désigner les places de tous les arbres que M. de Jussieu a fait choisir. » Et sur M. de Jussieu, écoutez la fin d’un de ces billets aimables qui songent à tout : « Une collation d’en-cas sera prête pour M. de Jussieu, qui arrosera devant moi le cèdre du Liban[1]. » Que de préoccupations, que de soins, que de joies ! Et que de fois les promeneurs de Paris voient passer dans un cabriolet léger, brûlant le chemin, la Reine de Trianon allant voir monter la pierre, pousser l’arbre, s’élever l’eau, grandir son rêve !

Le beau rêve en effet, ce palais et ce jardin en-

  1. Lettre autographe de Marie-Antoinette, communiquée par M. Boutron.