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sements de la nature, à ces reconstitutions de la campagne qui cherchaient à faire du parc français un pays d’illusions, à le remplir de tableaux, à y transporter tous les changements de scène des opéras. Les Observations sur l’art de former les jardins modernes, publiées en Angleterre par sir Thomas Wathely, développaient ce goût et toute maison d’été voulait bientôt le cadre d’un jardin pittoresque appelé du nom de « jardin chinois[1]. » La Reine avait une grande ambition, l’ambition de faire plus que la mode jusque-là n’avait fait contre le Nôtre, de dépasser en agrément et en vraisemblance de paysage le Tivoli de M. Boutin, Ermenonville, et le Moulin-Joli, et Monceau même : charmant projet d’une Reine, fuyant le trône, qui voulait autour d’elle une terre sans étiquette, et, rendant la royauté à l’humanité, voulait rendre les jardins à Dieu !

Le duc de Caraman, grand amateur en ce genre, et qui a déjà à peu près réalisé les idées de la Reine à sa terre de Roissy, est appelé par la Reine à la direction des travaux[2]. Bientôt M. de Caraman, l’architecte Mique, le dessinateur mythologique des Élysées du nouveau règne, puis le charmant peintre de ruines spirituelles, Hubert Robert, appelé plus tard pour le décor rustique, improvisent sur le papier, sous les yeux de la Reine,

  1. Projet pour le jardin anglo-chinois du petit Trianon, par Antoine Richard, jardinier de la Reine, 1774, dans le Recueil des jardins de Lerouge.
  2. Correspondance secrète (par Métra), vol. I.