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un corps bourgeois. Les habitudes du travail manuel l’avaient fait peuple, et dans ce prince aux mains salies par la lime, dans ce Vulcain remonté de l’atelier de Gamain[1], la désillusion de la Reine cherchait vainement ses illusions de jeune fille, le mari rêvé, le Roi !

Et, un jour, le dépit et l’impatience de ces goûts singulier chez un Bourbon ne lui fait-elle pas écrire au comte de Rosenberg cette lettre d’un tour jusqu’alors inconnu :

« Si j’avais besoin d’apologie je me confierais bien à vous ; de bonne foi j’en avouerais plus que vous n’en dites : par exemple mes goûts ne sont pas les mêmes que ceux du Roi qui n’a que ceux de la chasse et des ouvrages mécaniques. Vous conviendrez que j’aurais assez mauvaise grâce auprès d’une forge ; je n’y serais pas Vulcain, et le rôle de Vénus pourrait lui déplaire beaucoup plus que mes goûts qu’il ne désapprouve pas.

Il eût fallu plus de courage que Dieu n’en accorde à ses créatures, il eût fallu un héroïsme de patience surhumain à cette jeune femme, presque une enfant, pour surmonter tant de choses, pour ne pas se lasser de presser ce cœur paresseux, pour retenir, devant des femmes qui la grondaient de monter à cheval, cette parole d’impatience : « Au nom de Dieu ! laissez-moi en paix, et sachez que je ne compromets aucun héritier ! »

  1. Mercy-Argenteau dans sa correspondance nous montre Louis XVI dans son intérieur toujours occupé de maçonnerie, de menuiserie, travaillant de ses mains à remuer des matériaux, des poutres, des pavés, et sortant de ces travaux avec la tenue et la fatigue d’un manœuvre.