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tournaient vers lui. À des regards, à des rougeurs, à des paroles qu’elle ne lui disait plus, à d’autres qu’elle s’enhardissait à lui dire pour la première fois, il comprit que la dévotion de sa pénitente s’égarait et s’exaltait en se trompant elle-même. Elle l’épiait à la sortie des offices, le suivait dans la sacristie, s’attachait à lui, courait dans l’église après sa soutane. Le confesseur essaya d’avertir Germinie, de détourner de lui cette ferveur amoureuse. Il devint plus réservé et s’arma de froideur. Désolée de ce changement, de cette indifférence, Germinie, aigrie et blessée, lui avoua un jour, en confession, les sentiments de haine qui lui venaient contre deux jeunes filles, les pénitentes préférées de l’abbé. Le prêtre alors, l’éloignant sans explication, la renvoya à un autre confesseur. Germinie alla se confesser une ou deux fois à cet autre confesseur ; puis elle n’y alla plus ; puis elle ne pensa plus même à y aller ; et de toute sa religion, il ne lui resta plus à la pensée qu’une certaine douceur lointaine et comme l’affadissement d’une odeur d’encens éteint.

Elle en était là quand mademoiselle était tombée malade. Pendant tout le temps de sa maladie, ne voulant pas la quitter, Germinie n’alla pas à la messe. Et le premier dimanche où mademoiselle tout à fait remise n’eut plus besoin de ses soins, elle fut tout étonnée de voir « sa dévote » rester et ne pas se sauver à l’église.

— Ah ! çà, lui dit-elle, tu ne vas donc plus voir