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dont ils se soulagent par la confidence à leurs égaux. Pour eux, cette femme qui balaye et fait la cuisine n’a pas d’idées capables de la faire triste ou songeuse ; et ils ne lui parlent jamais de ses pensées. À qui donc les portera-t-elle ? Au prêtre qui les attend, les demande, et les accueille, à l’homme d’église qui est un homme du monde, un supérieur, un monsieur bien élevé, savant, parlant bien, toujours doux, accessible, patient, attentif et ne semblant rien mépriser de l’âme la plus humble, de la pénitente la plus mal mise. Seul, le prêtre est l’écouteur de la femme en bonnet. Seul, il s’inquiète de ses souffrances secrètes, de ce qui la trouble, de ce qui l’agite, de ce qui fait passer tout à coup dans une bonne, aussi bien que dans sa maîtresse, une envie de pleurer ou des lourdeurs d’orage. Il est seul à solliciter ses épanchements, à tirer d’elle ce que l’ironie de chaque jour y refoule, à s’occuper de sa santé morale ; le seul qui l’élève au-dessus de sa vie de matière, le seul qui la touche avec des mots d’attendrissement, de charité, d’espérance, — des mots du ciel tels qu’elle n’en a jamais entendus dans la bouche des hommes de sa famille et des mâles de sa classe.

Entrée chez Mlle de Varandeuil, Germinie tomba dans une dévotion profonde et n’aima plus que l’église. Elle s’abandonna peu à peu à cette douceur de la confession, à cette voix de prêtre égale, sereine et basse, qui venait de l’ombre, à ces consultations qui ressemblaient à un attouchement