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toujours la même chose : un trou où le sapin se cogne, où les morts ne sont pas chez eux ! La corruption y est commune ; personne n’a la sienne, chacun a celle de tous : c’est la promiscuité du ver ! Dans le sol dévorant, un Montfaucon se hâte pour les Catacombes… Car les morts n’ont pas plus ici le temps que l’espace pour pourrir : on leur reprend la terre, avant que la terre n’ait fini ! avant que leurs os n’aient une couleur et comme une ancienneté de pierre, avant que les années n’aient effacé sur eux un reste d’humanité et la mémoire d’un corps ! Le déblai se fait, quand cette terre est encore eux, et qu’ils sont ce terreau humide où la bêche enfonce… La terre qu’on leur prête ? Mais elle n’enferme pas seulement l’odeur de la mort ! L’été, le vent qui passe sur cette voirie humaine à peine enterrée, en emporte, sur la ville des vivants, le miasme impie. Aux jours brûlants d’août, les gardiens empêchent d’aller jusque-là : il y a des mouches qui ont le poison des charniers, des mouches charbonneuses et qui tuent !


Mademoiselle arriva là, après avoir passé le mur et la voûte qui séparent les concessions à perpétuité des concessions à temps. Sur l’indication d’un gardien, elle monta entre la dernière file de croix et la tranchée nouvellement ouverte. Et là, marchant sur des couronnes ensevelies, sur l’oubli de la neige, elle arriva à un trou, à l’ouverture de la