Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/275

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LXVII.


Brisée par ces émotions, par ce dernier spectacle, Mlle de Varandeuil se mit au lit en rentrant chez elle, après avoir donné de l’argent au portier pour les tristes démarches, l’enterrement, la concession. Et quand elle fut dans son lit, ce qu’elle avait vu revint devant elle. Il y avait toujours auprès d’elle la morte horrible, ce visage effrayant dans le cadre de cette bière. Son regard avait emporté au dedans d’elle cette tête inoubliable ; sous ses paupières fermées, elle la voyait et en avait peur. Germinie était là, avec le bouleversement de traits d’une figure d’assassinée, avec ses orbites creusés, avec ses yeux qui semblaient avoir reculé dans des trous ! Elle était là, avec cette bouche encore tordue d’avoir vomi son dernier souffle ! Elle était là, avec ses cheveux, ses cheveux terribles, rebroussés, tout debout sur sa tête !

Ses cheveux ! cela surtout poursuivait mademoiselle. La vieille fille pensait, sans y vouloir penser, à des choses tombées dans son oreille d’enfant, à des superstitions de peuple perdues au fond de sa mémoire : elle se demandait si on ne lui avait pas dit que les morts qui ont les cheveux ainsi emportent avec eux un crime en mourant… Et, par moments, c’étaient ces cheveux-là qu’elle voyait à