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voulait être à son lit au moment juste de l’ouverture, à une heure précise. Repassant par les rues où elle avait passé quatre jours avant, elle se rappelait l’affreux voyage du lundi. Il lui semblait, dans la voiture où elle était seule, gêner un corps malade, et elle se tenait dans le coin du fiacre comme pour laisser de la place au souvenir de Germinie. Comment allait-elle la trouver ?… La trouverait-elle seulement ? Si son lit allait être vide !…

Le fiacre enfila une petite rue toute pleine de charrettes d’oranges et de femmes qui, assises sur le trottoir, vendaient des biscuits dans des paniers. Il y avait je ne sais quoi de misérable et de lugubre dans cet étal en plein vent de fruits et de gâteaux, douceurs de mourants, viatiques de malades, attendus par la fièvre, espérés par l’agonie, et que des mains de travail, toutes noires, prenaient en passant pour porter à l’hôpital et faire bonne bouche à la mort. Des enfants les portaient gravement, presque pieusement, comme s’ils comprenaient, sans y toucher.

Le fiacre s’arrêta devant la grille de la cour. Il était une heure moins cinq minutes. À la porte se pressait une queue de femmes, avec leurs robes des jours ouvriers, serrées, sombres, douloureuses et silencieuses. Mlle de Varandeuil se mit à la queue, avança avec les autres, entra : on la fouilla. Elle demanda la salle Sainte-Joséphine, on lui indiqua le second pavillon au second. Elle trouva la salle, puis le lit, le lit 14 qui était, comme on le lui avait