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l’appartement. On l’assit dans la salle à manger, sur un fauteuil, près de la fenêtre. Elle voulut passer ses bas toute seule, et en les remontant d’une pauvre main tremblante et dont les doigts se cognaient, elle laissa voir un peu de ses jambes si maigres qu’elles faisaient peur. La femme de ménage mettait pendant ce temps-là, dans un paquet, un peu de linge, un verre, une tasse et un couvert en étain que Germinie avait voulu emporter. Quand ce fut fini, Germinie regarda un moment tout autour d’elle : elle enveloppa la pièce d’un embrassement suprême et qui semblait vouloir emporter les choses. Puis, ses yeux s’arrêtant sur la porte par où la femme de ménage venait de sortir : — Au moins, dit-elle à mademoiselle, je vous laisse quelqu’un d’honnête…

Elle se leva. La porte se ferma derrière elle avec un bruit d’adieu, et soutenue par Mlle de Varandeuil qui la portait presque, elle descendit, par le grand escalier, les cinq étages. À chaque palier, elle s’arrêtait et respirait. Au vestibule, elle trouva le portier qui lui avait apporté une chaise. Elle tomba dessus. Le gros homme, en riant, lui promit la santé dans six semaines. Elle remua la tête en disant un oui, oui étouffé.

Elle était dans le fiacre, à côté de sa maîtresse. Le fiacre était dur et sautait sur le pavé. Elle avait avancé le corps pour n’avoir pas le contre-coup des cahots, et se tenait de la main à la portière, cramponnée. Elle regardait passer les maisons, et ne