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fants du peuple… L’insulte, crachée par ces bouches de roses, tombait sur Germinie plus douloureusement que tout. Elle se soulevait à demi, un moment ; puis accablée, s’abandonnant, elle retombait sur elle-même, et remontant son tartan sur sa tête pour s’y cacher et s’y ensevelir, elle restait comme une morte, affaissée, inerte, insensible, repliée sur son ombre, pareille à un paquet jeté là et sur lequel tout le monde pouvait marcher, n’ayant plus de sens, ne vivant plus de tout le corps que pour un bruit de pas qu’elle écoutait venir — et qui ne venait pas.

Enfin, après des heures, des heures qu’elle ne pouvait pas compter, il lui semblait entendre, dans la rue, un trébuchement de pas ; puis une voix avinée montait l’escalier en bégayant : — Canaille !… canaille ed’ d’ marchand de vin !… tu m’as vendu du vin qui soûle !

C’était lui.

Et presque tous les jours recommençait la même scène.

— Ah ! t’étais là, ma Germinie, disait-il en la reconnaissant. Voilà ce que c’est… je vais te dire… On s’est un peu submergé… Et mettant la clef dans la serrure : — Je vas te dire… C’est pas ma faute…

Il entrait, repoussait d’un coup de pied une tourterelle aux ailes rognées qui sautillait en boitant, et fermant la porte : — Vois-tu ? Ce n’est pas moi… C’est Paillon, tu sais bien Paillon ?… ce petit gros