criant le journal Aux voleurs ! Aux voleurs ! Le colporteur, selon l’habitude du temps, faisait l’annonce des articles du numéro : M. de Varandeuil entendit son nom mêlé à des b… et à des j… f… Il acheta le journal et y lut une dénonciation révolutionnaire.
Quelque temps après, son frère était arrêté et enfermé à l’hôtel Talaru avec les autres fermiers généraux. Sa mère, prise de terreur, avait vendu follement, pour le prix des glaces, l’hôtel du Petit-Charolais où il logeait : payée en assignats, elle était morte de désespoir devant la baisse croissante du papier. Heureusement, M. de Varandeuil obtenait des acquéreurs, qui ne trouvaient pas à louer, la permission d’habiter les chambres servant autrefois aux gens d’écurie. Il se réfugiait là, sur les derrières de l’hôtel, dépouillait son nom, affichait à la porte, selon qu’il était ordonné, son nom patronymique de Roulot, sous lequel il enterrait le de Varandeuil et l’ancien courtisan du comte d’Artois. Il y vécut solitaire, effacé, enfoui, cachant sa tête, ne sortant pas, rasé dans son trou, sans domestique, servi par sa fille et lui laissant tout faire. La Terreur se passa pour eux dans l’attente, le tressaillement, l’émotion suspendue de la mort. Tous les soirs, la petite allait écouter par une lucarne grillée les condamnations du jour, la Liste des gagnants à la loterie de sainte Guillotine. À chaque coup frappé à la porte, elle allait ouvrir, en croyant qu’on venait prendre son père pour le mener sur la