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sus, du temps de maman, c’était parti… et la croix aussi… Là-dessus, avant d’être malade alors, mon frère s’en va à la fête de Clefmont. Il entend dire que ma sœur a fait sa faute avec le maire où elle était : il tombe sur ceux qui disaient cela… il n’était guère fort… Eux, ils étaient beaucoup, ils le jetèrent par terre, et quand il fut par terre, ils lui donnèrent des coups de sabot dans le creux de l’estomac… On nous le rapporta comme mort… Le médecin le remit pourtant sur pied, et nous dit qu’il était guéri. Mais il ne fit plus que traîner… Je voyais qu’il s’en allait, moi, quand il m’embrassait… Quand il fut mort, le pauvre cher pâlot, il fallut que Cadet Ballard y mît toutes ses forces pour m’enlever de dessus le corps. Tout le village, le maire et tout, alla à son enterrement. Ma sœur n’ayant pu garder sa place chez ce maire à cause des propos qu’il lui tenait, et étant partie se placer à Paris, mon autre sœur la suivit… Je me trouvai toute seule… Une cousine de ma mère me prit alors avec elle à Damblin ; mais j’étais toute déplantée là, je passais les nuits à pleurer, et quand je pouvais me sauver, je retournais toujours à notre maison. Rien que de voir, de l’entrée de notre rue, la vieille vigne à notre porte, ça me faisait un effet ! il me poussait des jambes… Les braves gens qui avaient acheté la maison me gardaient jusqu’à ce qu’on vînt me chercher : on était toujours sûr de me retrouver là. À la fin, on écrivit à ma sœur de Paris, que si elle ne me faisait pas venir auprès d’elle, je