Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/181

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Il n’y a rien pour nous ? dit-elle au portier. Ah ! tenez, vous n’auriez pas vingt francs, mon Pipelet, ça m’éviterait de remonter.

— Quarante, si vous voulez…

Elle respira. Le portier alla dans le fond de sa loge à une armoire. — Ah ! sapristi ! ma femme a pris la clef… Tiens ! comme vous êtes pâle !…

— Ce n’est rien… Et elle s’enfuit dans la cour vers la porte de l’escalier de service.

En remontant, voici ce qu’elle pensait : Il y a des gens qui trouvent des pièces de vingt francs… C’est aujourd’hui qu’il en a besoin, il me l’a dit… Mademoiselle m’a donné mon argent il n’y a pas cinq jours, je ne peux pas lui demander… Après ça, vingt francs de plus ou de moins, pour elle, qu’est-ce que c’est ?… L’épicier me les aurait prêtés, bien sûr… J’en ai eu un autre rue Taitbout ; il ne fermait que le soir, le dimanche, celui-là…

Elle était à son étage devant sa porte. Elle se pencha sur la rampe de l’escalier des maîtres, regarda si personne ne montait, entra, alla droit à la chambre de mademoiselle, ouvrit la fenêtre, respira largement, les deux coudes sur le barreau d’appui. Des moineaux accoururent des cheminées d’alentour, croyant qu’elle allait leur jeter du pain. Elle ferma la fenêtre et regarda dans la chambre sur le dessus de la commode, d’abord une veine de marbre, puis une petite cassette de bois des Îles, puis la clef, une petite clef d’acier oubliée dans la serrure. Tout à coup, ses oreilles tintèrent, elle