Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un homme. Mais le vieux parfumeur ne lui pardonnait pas de l’avoir quitté et de s’être établi : il avait refusé net.

La mère Jupillon désolée se lamentait en larmoyant. Elle répétait le numéro tiré par son fils ;

— Vingt-deux ! vingt-deux !… Et elle disait : — Je t’avais pourtant cousu dans ton paletot une araignée noire, velouteuse, avec sa toile !… Ah ! j’aurais bien plutôt dû faire comme on m’avait dit, te mettre ton béguin avec lequel on t’a baptisé… Ah ! le bon Dieu n’est pas juste !… Et le fils de la fruitière qui en a eu un de bon !… Soyez donc honnête !… Et ces deux coquines du 18 qui lèvent justement le pied avec mon argent !… Je crois bien qu’elles m’en donnaient de ces poignées de main… Elles me refont de plus de sept cents francs, sais-tu ? Et la moricaude d’en face… et cette affreuse petite qui avait le front de manger des pots de fraises de vingt francs… ce qu’elles m’en emportent encore, celles-là ! Mais va, tu n’es pas encore parti, tout de même… Je vendrai plutôt la crèmerie… je me remettrai en service, je ferai la cuisine, je ferai des ménages, je ferai tout !… Pour toi, mais je tirerais de l’argent d’un caillou !

Jupillon fumait et laissait dire sa mère. Quand elle eut fini : — Assez causé ! maman… tout ça, c’est des mots, fit-il. Tu te tourmentes la digestion, ce n’est pas la peine… Tu n’as besoin de rien vendre… t’as pas besoin de te fouler… je me rachèterai et sans que ça te coûte un sou, veux-tu parier ?