Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/139

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et elle jeta de l’argent sur la table. Au bout de trois verres, elle cria : — Je suis paf ! Et elle partit d’un éclat de rire.

Mlle de Varandeuil avait été ce matin-là toucher son petit semestre de rentes. Quand elle rentra à onze heures, elle sonna une fois, deux fois : rien ne vint. Ah ! se dit-elle, elle sera descendue. Elle ouvrit avec sa clef, alla à sa chambre, entra : les matelas et les draps de son lit en train d’être fait retombaient jetés sur deux chaises ; et Germinie était étendue en travers de la paillasse, dormant inerte, comme une masse, dans l’avachissement d’une soudaine léthargie.

Au bruit de mademoiselle, Germinie se releva d’un bond, passa sa main sur ses yeux : — Hein ? fit-elle, comme si on l’appelait ; son regard rêvait.

— Qu’est-ce qu’il y a ? fit Mlle de Varandeuil effrayée. Tu es tombée ? As-tu quelque chose ?

— Moi ! non, répondit Germinie, j’ai dormi… Quelle heure est-il ? Ce n’est rien… Ah ! c’est bête…

Et elle se mit à fourrager la paillasse en tournant le dos à sa maîtresse pour lui cacher le rouge de la boisson sur son visage.