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contre lesquelles la vanité de son cousin n’avait point su se défendre. À côté de cette enfant, Germinie n’eut plus de repos. La jeune fille la blessait à toutes les minutes, par sa présence, son contact, ses caresses, tout ce qui avouait l’amour dans son corps amoureux. L’occupation qu’elle avait de Jupillon, le service qui l’approchait de lui, les émerveillements de provinciale qu’elle lui montrait, les demi-confidences qu’elle laissait venir à ses lèvres, le jeune homme sorti, sa gaîté, ses plaisanteries, sa bonne humeur bien portante, tout exaspérait Germinie, tout soulevait en elle de sourdes colères ; tout blessait ce cœur entier et si jaloux que les animaux mêmes le faisaient souffrir en paraissant aimer quelqu’un qu’il aimait.

Elle n’osait parler à la mère Jupillon, lui dénoncer la petite, de peur de se trahir ; mais toutes les fois qu’elle se trouvait seule avec Jupillon, elle éclatait en récriminations, en plaintes, en querelles. Elle lui rappelait une circonstance, un mot, quelque chose qu’il avait fait, dit, répondu, un rien oublié par lui, et qui saignait toujours en elle. — Es-tu folle ? lui disait Jupillon, une gamine !… — Une gamine, ça ?… laisse donc ! qu’elle a des yeux que tous les hommes la regardent dans la rue !.. L’autre jour je suis sortie avec elle… j’étais honteuse… Je ne sais pas comment elle a fait, nous avons été suivies tout le temps par un monsieur… — Eh bien ! qu’est-ce qu’il y a ? Elle est jolie, voilà ! — Jolie ! jolie ! Et sur ce mot Germinie se jetait, comme coups de