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XX.


Le jour des Rois arriva. C’était le jour d’un grand dîner donné régulièrement chaque année par Mlle de Varandeuil. Elle invitait ce jour-là tous les enfants de sa famille, ou de ses amitiés, petits ou grands. À peine si le petit appartement pouvait les contenir. On était obligé de mettre une partie des meubles sur le carré. Et l’on dressait une table dans chacune des deux pièces qui formaient tout l’appartement de mademoiselle. Pour les enfants, ce jour était une grande joie qu’ils se promettaient huit jours d’avance. Ils montaient en courant l’escalier, derrière les garçons pâtissiers. À table, ils mangeaient trop sans être grondés. Le soir ils ne voulaient pas se coucher, grimpaient sur les chaises, et faisaient un tapage qui donnait toujours à Mlle de Varandeuil une migraine le lendemain ; mais elle ne leur en voulait pas : elle avait eu les bonheurs d’une fête de grand’mère à les entendre, à les voir, à leur nouer par derrière la serviette blanche qui les faisait paraître si roses. Et pour rien au monde elle n’eût manqué de donner ce dîner, qui remplissait son appartement de vieille fille de toutes ces petites têtes blondes de petits diables, et y mettait en un jour du bruit, de la jeunesse et des rires pour un an.