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son corps, elle sua à chercher ces coups de reins, ces tours de jupe qu’elle voyait applaudir. Au bout de cela, elle se risqua : mais tout la démonta et ajouta à sa gaucherie, le milieu hostile dans lequel elle se sentait, les sourires d’étonnement et de pitié qui avaient couru sur les lèvres lorsqu’elle avait pris place dans l’enceinte de la danse. Elle fut si ridicule et si moquée qu’elle n’eut pas le courage de recommencer. Elle se renfonça sombrement dans son coin obscur, n’en sortant que pour aller chercher et ramener Jupillon avec la muette violence d’une femme qui arrache son homme au cabaret et le remporte par le bras.

Le bruit se répandit bientôt dans la rue que Germinie allait à ces bals, qu’elle n’en manquait pas un. La fruitière, chez laquelle Adèle avait déjà bavardé, envoya son fils « pour voir ; » il revint en disant que c’était vrai, et raconta toutes les misères qu’on faisait à Germinie et qui ne l’empêchaient pas de revenir. Alors il n’y eut plus de doute dans le quartier sur les relations de la domestique de mademoiselle avec Jupillon, relations que quelques âmes charitables contestaient encore. Le scandale éclata, et, en une semaine, la pauvre fille, traînée dans toutes les médisances du quartier, baptisée et saluée des plus sales noms de la langue des rues, tomba d’un coup, de l’estime la plus hautement témoignée, au mépris le plus brutalement affiché.

Jusque-là son orgueil — et il était grand — avait joui de ce respect, de cette considération qui en-