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sillé ici quatre ou cinq cents, depuis six ans… Pour un fusil trouvé, on fusille.

— Eh bien, comment volent-ils, maintenant qu’ils n’ont plus de fusils ?

— Oh ! ils ont raison des meilleures serrures… ils sont si intelligents ! et il répète trois ou quatre fois : si intelligents !

Et ne voilà-t-il pas que mon paradoxal patriote italien se met à soutenir, avec une parole enthousiaste, une éloquence lyrique, que le brigand est une poésie du pays ; et il ajoute, dans la sincérité de son âme, que la disparition du brigand diminue le nombre des touristes, enchantés de trouver en diligence, un roman, — à raconter à leur retour.

Au Musée, « la Sainte Cécile » de Raphaël. En voyant ce tableau, toute mon enfance m’est revenue. J’ai revu tout à coup le livre de messe de ma mère, qui avait en tête la méchante gravure en taille-douce des paroissiens, représentant la Sainte, qui lui avait donné son nom, et je retrouvais, dans le souvenir de mes yeux, la douce figure de ma mère, penchée sur le vieux maroquin rouge du livre écorné, et me montrant l’image, que je n’aimais pas plus, que je n’aime aujourd’hui le tableau — et où je retrouve dans la vierge spirituelle du catholicisme, la beauté inexpressive de Cybèle, la beauté la plus animale des déesses du paganisme.