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dans leur sarrau, et où passent des morceaux d’ostéologie de faméliques. Oui, d’une porte à l’autre de la ville, c’est une population d’êtres haillonneux, loqueteux, guenilleux, et d’où s’élèvent de toutes les bouches des notes lamentablement plaintives, et qui sont comme un cantique de la souffrance.

Un mendiant surtout était horrible à voir, et je l’ai emporté dans mes yeux. Un couvre-chef indicible lui couvrait la figure jusqu’au menton, d’où s’échappaient quelques rudes poils d’une barbe, semblable aux soies d’un sanglier, et les bras tombés le long de son corps, avec les mains à demi ouvertes, il était à genoux au milieu de la rue, dans la boue, la neige fondue, et il restait là, ainsi, sans un geste, les lèvres mortes, immobile comme un marbre, muet comme un cadavre debout.


UN DIALOGUE

— Ils sont si intelligents !

C’est un patriote italien, et un érudit des plus savants sur l’histoire de la peinture italienne, qui cause avec moi.

— Vous parlez des brigands ?

— Oh ! cher monsieur, ne prononcez pas ce mot.. vous ne pouvez pas comprendre… Ces tedeschi, oui, les Autrichiens en ont fusillé, fusillé… ils en ont bien fu-