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vus par la plante des pieds, le périnée, le dessous du ventre, le dessous des seins, le dessous du menton, le dessous des narines : une maladie aiguë du raccourci, qui fait tous ces dessous, comme s’asseoir et peser sur votre regard.

Oh ! la monstruosité bête et presque comique, que cette « Salle des Géants », ce fourmillement d’Arpins antédiluviens, cette salade de muscles d’un dessin exorbitant, ce gâchis inepte de nudités extra-humaines, fabriquées avec des écuellées de vermillon, cet écrasement, cet estropiement de jambes, de bras, de têtes, dont on a éclaboussé un mur. On dirait un musée de statues de Michel-Ange, qui aurait fait explosion, et collé aux parois, un monde de la Force, aplati, brisé, cassé, démoli.

Ah, ce palais du T ! ah, cette Salle des Géants ! ce sont de terribles témoignages du manque de goût des princes de Mantoue.

Vérone, Mantoue, toutes ces cités, à fossés, à ponts-levis, à remparts, à bastions, à redoutes, avec des sentinelles se promenant dans le ciel, mes yeux qui ont gardé le souvenir des pièces du Cirque de mon enfance, ne les voient pas comme des villes réelles, mais bien comme des décors à praticables, où va évoluer Gobert-Napoléon Ier, et où la joviale Léontine va verser aux vieux de la vieille garde le riquiqui de la gloire.