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une immense façade de maison, entièrement peinte à la fresque, et représentant des escalades du ciel par des Antée et des Encelade, et de terribles mêlées de corps-géants ; des fresques, qui semblent la toile michelangelesque d’une arène de lutteurs colossaux, et dans lesquelles, des fenêtres, habitées par des têtes vivantes, font, çà et là, un trou dans une anatomie du mur.

En bas, sous de grands parapluies de toile blanche, transpercés de lumière, éclate le bariolage des fichus et des bonnets des vendeuses d’herbes, ainsi que des bleuets et des coquelicots, sur les champs verts des laitues, des porreaux, des choux, étalés à leurs pieds. Ce sont des vendeuses brunes, les cheveux roulés sur les tempes, en des volutes ressemblant à celles dont l’Ionie a fait le chapiteau de ses colonnes, et ce sont quelques vendeuses blondes, dont les cheveux crespelés et folâtres mettent autour de leur ovale comme un rayonnement ensoleillé.

Beaucoup de ces marchandes sont de vieilles femmes de la campagne, portant un tout petit chapeau de paille, d’où s’échappent, entremêlés à d’énormes pendeloques d’or attachées à leurs oreilles, de libres mèches de cheveux, buttant de leurs tortils grisonnants leurs jaunes profils sculpturaux, qu’on dirait sculptés dans du buis.

Et en plein de cette verdure potagère, l’on voit, et des quartiers de bœuf saignants, posés sur les premières