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matérialité, avouons-le, plus contenue, plus resserrée. Et voici les poses prises sur le vif, et le naturel des attitudes, et voici l’élégant balancement des jeunes hommes sur leurs torses, et voici les jolies retrouvailles d’équilibre des femmes, portant une cruche sur la tête, et de l’autre main, du côté de la hanche qui creuse, traînant un enfant, et avec toutes les coquetteries de leurs têtes sur la souplesse des cous, — et voici la vivace mobilité des enfants, de toute cette population d’enfants, animant et faisant comme le premier plan de ses tableaux.

« La Femme de Loth changée en statue de sel » une composition curieuse, rappelant le changement un peu effrayant d’acteurs, métamorphosés soudainement en statues blanches.

Mais parmi ces compositions, il en est une tout à fait supérieure, c’est la « Destruction de Sodome » sous les souffles de feu des anges vengeurs. Impossible de donner un plus saisissant spectacle de la ruée d’une population épouvantée, fuyant l’incendie, et de mettre dans ce sauve-qui-peut éperdu de bras et de jambes, la variété d’impressions morales qu’y a mise Benozzo Gozzoli. Ici, la frayeur stupide : cet homme qui fuit, les bras en l’air, la tête baissée, craignant de regarder derrière lui ; là, la révolte, dans cet homme à l’anatomie contractée, et au redressement colère de la tête contre le ciel. Un vieillard à barbe blanche, qui s’en va