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où un jeune homme ruiné ailleurs, rien qu’avec les 6000 livres de rente qui lui restent, peut avoir en compagnie de la ballerine, dont les romans de Paul de Kock gratifient le misérable petit capitaliste parisien de ces temps-là, — peut avoir un cheval.

En cette ville bénie, tout semble arrangé pour le bonheur de tous, si bien que toutes les jolies femmes peuvent espérer de danser une fois, dans l’année, avec l’héritier présomptif, si bien que le comique du grand théâtre a la chance de faire rire les petits enfants et les grandes personnes, si bien que le clergé a l’esprit de se contenter d’expliquer au peuple les quatorze manières d’accommoder la morue salée, en carême. Oui, un petit peuple si doux, que les officiers y mangent plus de crème fouettée que tout autre part ; si poli, que les marchands de tabac vous disent merci, quand vous entrez allumer chez eux un cigare ; si ennemi du changement, que lorsque la viande est payée trop cher par les bouchers, ils la vendent à faux poids, au su et au gré des acheteurs souriants ; si sobre, que c’est la ville, où les chiens se nourrissent de pain tout sec.