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portraits d’homme, de les peindre, comme elle dit, à regards perdus, et de leur crier, aussitôt que les leurs devenaient tendres : « J’en suis aux yeux ! »

Elle s’est peinte, la tête faisant face au public, une main levée, en train de peindre, l’autre tenant la palette et la boite de pinceaux, et un rien reposant sur ses genoux, dans une attitude mollement abandonnée.

Elle est habillée d’une robe de soie noire, bouffante et chiffonnée sur les seins, une large écharpe de soie rouge, au gros nœud tombant sur la hanche, une grande collerette de dentelle jetée, un peu à la diable, autour d’un cou libre et dégagé. Elle a un petit nez mutin, gamin, aux narines éveillées, des yeux dont la lumière est un sourire, une bouche respirant une grâce malicieuse, de toutes petites dents perlées, prêtes à mordre, l’ovale rond et mignonnement plein d’une figurine de Clodion.

Sous un mouchoir de mousseline, tortillé en la forme d’un léger turban, des cheveux aériens, volatilisés, par un œil de poudre, battent la figure juvénile, enfantine presque, de leurs tortils affolés. Et une vie délicate court sous les carnations de porcelaine de cette nerveuse, au sommeil léger, qui ne pouvait dormir, je crois, à Rome, empêchée qu’elle était par le forage des tarets dans les poutres des plafonds, et qui ne dut, selon son expression, son calme et la prolongation de