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sujétion d’une coloration, d’un ton, d’une nuance signant tous ses tableaux, son coloris fac-similé la couleur d’un chacun.

Après ces époques archaïques d’un art recherchant, dans la représentation de l’homme et de la femme, les lignes de corps, maigriotes, souffreteuses, décharnées, des lignes presque psychiques, Masaccio étonne un peu par son culte de la matérialité des êtres, non qu’à ses belles images de la vie il refuse l’intelligence apparente de la matière, il ne mette dans leurs yeux la flamme du regard, sur leurs fronts les méditations d’une pensée terrestre, mais il tend à ne leur donner que la beauté strictement humaine. Oui, Masaccio place sa science et son adoration dans la surprise picturale de la chair, dans l’étude appliquée du masque de l’homme, de sa construction, de son ossature, de ses plans, de ses méplats, du jeu de ses muscles, de l’action sur ce masque, de l’âge et des batailles de la vie.

Il faut voir, chez Masaccio, ces jeunes gens aux chevelures épaisses et bouclées, aux grands yeux ouverts sous la broussaille des sourcils, à la grosse lippe, au puissant campement des reins sur les jambes, et dont les juvénilités superbes passent moulées à travers les étoffes : insolents de santé et de vitalité ; il faut voir les vieillards, vêtus de bon drap chaudement fourré, à la solide vieillesse, aux visages ridés par les préoccupations d’intérêts politiques ou marchands.