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Ce type, on en rencontre un superbe modèle dans le portrait des Uffizi — ce portrait, qui n’est pas le portrait d’André del Sarto, mais d’un ami inconnu — le portrait sous une toque noire, recouvrant une tête de penseur, dans sa construction carrée, et où la résolution se lit dans la profondeur de l’œil, dans la fermeture de la bouche : toile à l’étonnant modelage des plans de la figure, qui fait, pour ainsi dire, une sculpture peinte de la boite de la pensée.

Puis un des premiers, André del Sarto a sorti l’enfant de l’ankylose bysantine, lui a donné la mobilité remueuse des premières années, a mis, d’une manière presque visible, dans ses membres inférieurs, les envies de la marche et de la circulation, a mouvementé son petit corps par les écarts gaminants des bras et des jambes, le montre, en ses talonnants grimpements, sur le corps divin de sa mère, et même apporte de la jolie humanité enfantine, en cette tête du bambino, qui n’est plus le poupard frisé de Raphaël, ou le crapaud fœtal du Corrège.

Enfin, chez André del Sarto, le sentiment chrétien s’est émancipé de l’ascétisme. La piété, en ses toiles, ne montre plus l’absorption physionomique de la foi aveugle, et ses douleurs religieuses sont presque mondaines, ainsi qu’on peut le voir dans sa « Descente de Croix » chez ces deux femmes au coquet affaissement du corps, aux yeux gentiment larmoyants, aux bouches