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n’était pas encore née en nous. Bien au contraire, nous nous trouvions dans cette même disposition lyrique et symbolique des jeunes esprits de l’heure présente, avec, au fond de nous, un certain mépris pour la transcription du vrai, du non imaginé, et renfoncés encore en ce mépris par le manque de talent et de style de Champfleury. Et les études d’après nature que nous faisions alors de l’Italie, n’étaient, pour nous, que le stratum d’un livre de prose poétique, fantastique, lunatique, — d’un livre de rêve, donné comme le produit d’une suite de nuits hallucinatoires.

Après six mois de séjour en Italie, au retour à Paris, nous écrivions une série de morceaux, sur Venise, Florence, Rome, Naples. Le travail sur Venise mené à fin, et auquel nous donnions le titre de Venise la Nuit, nous le portions à Théophile Gautier, au moment où il venait de prendre la direction de l’Artiste, et notre Venise paraissait en deux articles…

Ah fichtre ! quelle réception nous faisait, deux ou trois jours après, Aubryet, qui avait apporté, avec le frère d’Arsène Houssaye, l’argent de ce nouvel avatar de l’Artiste : « On n’avait pas l’idée