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Botticelli. — Les maigreurs de la longue prière, de l’ascétisme, de la macération. Des corps, où le contour matériel, atténué, aminci, raffiné, pour yainsi dire, par les aspirations spirituelles, est sec, anguleux. Des chairs semblables aux fleurs fleurissant à l’ombre, des chairs exsangues, dont les ombres ont des transparences d’ambre. Avec cela, des attitudes rêveuses, songeuses, absentes de la terre, dans les étoffes vaguescentes aux plis cassés d’Albert Durer : des attitudes telles qu’on en trouve chez ces deux femmes de l’Académie des Beaux-Arts, où le tulle grisâtre courant dans leurs cheveux, a l’air de la cendre rapportée d’un mercredi des Cendres, et où le deuil des grandes draperies violettes, que leurs belles longues mains de cire ramènent autour d’elles, leur donne le caractère de deux figures allégoriques du Crépuscule.

Oh ! les mystérieuses et troublantes figures de femmes, aux bouches nerveusement découpées, où se dessine une si énigmatique mélancolie du sourire, aux yeux qui sont un point noir dans le glauque cœruléen de la pupille : yeux qui ne sont plus l’œil d’un exemple d’un dessin, mais bien la fenêtre d’un cerveau ou d’un cœur.

Ce Botticelli, le maître d’une peinture un peu surnaturelle, et qu’on dirait chercher à fixer sur ses toiles, les imaginations fantastiques de la poésie allemande, et le maître de cette Vénus blonde, au bleu de