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LES MÉDECINS




III


Sans nous en apercevoir, nous voici arrivés au recueil en tête duquel est écrit le nom du « père de la médecine ». Hippocrate, « le Grand », comme l’appelle déjà Aristote 1[1], est né dans l’ile de Cos en 460, et toute l’antiquité Fa envisagé comme le type du parfait médecin, du parfait écrivain médical. Sa gloire a éclipsé de beaucoup celle de tous ses confrères. Ainsi s’explique qu’une importante collection d’ouvrages ait circulé sous son nom, quoiqu’elle soit composée, de toute évidence, de travaux d’auteurs différents et se rattachant même à des écoles contraires. Les Anciens le savaient déjà, mais les essais de triage des savants de l’époque n’ont guère été féconds, pas plus que ceux des critiques modernes et même des plus modernes. Il ne nous appartient pas de traiter ici ce problème, un des plus difficiles que connaisse l’histoire de la littérature. Dans la plupart des cas, les dates de composition des ouvrages sont aussi obscures pour nous que les noms des auteurs. Il nous suffira d’exprimer la conviction qu’aucune partie de ce que l’on pourrait appeler le Corpus Hippocraticum, à part quelques exceptions insignifiantes, n’est postérieure à la fin du Vme siècle1 2[2]. Ces ouvrages peuvent donc être considérés comme des témoignages certains du mouvement intellectuel de l’époque qui nous occupe. Et même le sujet spécial de notre exposition nous fournit, de l’exactitude de cette manière de voir, une preuve qui ne souffre aucune contradiction. Dans cette vaste pile de livres, deux noms de philosophes seulement sont cités : Mélissos (cf. p. 198) et Empédocle. Les autres penseurs dont l’influence est reconnaissable dans l’un ou’dans l’autre de ces ouvrages, sont Xénophane, Parménide,

  1. 1 Aristote parle d’Hippocrate comme d’un grand médecin, Polit., IV (vulgo VII) 4, 1326 a, 24.
  2. 2 Diels place à une date plus basse que nous, c’est-à-dire au milieu du IVme siècle, les parties les plus récentes de la collection hippocratique. (Déclaration verbale dans un exposé fait au congrès des philologues de Cologne, septembre 1895.) — Le papyrus de Londres a d’abord plus embrouillé que fait avancer la question hippocratique. Il semblait, en effet, nous placer dans l’alternative ou de ne tenir aucun compte de l’autorité de Ménon, l’élève d’Aristote, ou de considérer comme l’œuvre d’Hippocrate le traité assez insignifiant, et d’une rhétorique ampoulée, intitulé περί φυσών. Le moyen de sortir d’embarras paraît avoir été trouvé par Blass, Hermès, 36, 405. Ce n’est pas l’ouvrage qui nous a été conservé, mais celui dont s’est servi son auteur, que Ménon considérait comme hippocratique.