Page:Gomperz - Les penseurs de la Grèce, Vol 1, 1908.djvu/313

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
296
LES PENSEURS DE LA GRÈCE


voyons apparaître pour la première fois les professionnels de l’art de guérir ; semblables au médecin du Rig-Véda, ils parcourent le pays ; on réclame leurs services comme ceux du charpentier, de l’aède ou du devin, et ils les font payer à tous ceux qui en ont besoin.


II


Les médecins acquirent de bonne heure en Grèce une grande considération. L’aimable île de Cos, non loin de là la presqu’île de Cnide, au sud de la ligne occidentale des côtes de l’Asie Mineure, Crotone, dans l’Italie méridionale, Cyrène, sur les bords de la lointaine Afrique, telles furent les plus anciennes et les plus célèbres écoles de médecine. Autour de Cyrène, croissait une ombellifère nommée silphion, dont on appréciait au plus haut degré les vertus curatives, et qui faisait l’objet d’un monopole royal. Cités et princes se disputaient à i’envi et à prix d’or les services des médecins éminents. Ainsi étaient recherchés ceux du Crotoniate Démocédès, qui passa une année à la solde d’Athènes, une à celle des Eginètes et une troisième à celle, de Polycrate. Ses honoraires annuels s’élevèrent rapidement à une. Z hauteur dont témoignent les chiffres éloquents de 8200, 10000 et 16 400 drachmes ou francs. Encore ces chiffres ne nous en donnent-ils une idée suffisante que si l’on tient compte de l’énorme diminution de la valeur de l’argent depuis l’antiquité. Après la chute du tyran de Samos, il fut emmené comme prisonnier à Suse, où nous le retrouvons bientôt commensal et conseiller intime du roi Darius (521-485). Il avait, en effet, si bien soigné ce monarque et son épouse Atossa que les médecins égyptiens, jusqu’alors extrêmement estimés, tombèrent en disgrâce et se virent même en danger de mort 1[1]. Vers le milieu du Ve siècle, le Chypriote Onasilos et ses frères avaient rendu, comme-médecins militaires, des services pendant le siège de la ville d’Edalion par les Perses ; ils en furent récompensés par de grands honneurs et par le don d’un riche domaine de la couronne. Mais si l’on tenait les médecins en une haute estime, on exigeait d’eux de sé-

  1. 1 Sur Démocédès et ses aventures, cf. Hérod., III 125 sq. Sur le médecin chypriote Onasilos, cf. l’inscription d’Edalion, dans Collitz, Griech. Dialekt. inschr., I 26 sq. ; en ce qui concerne la date de cette inscription, je me range à l’opinion de O. Hoffmann, Die griech. Dialekte, I 41, de préférence à celle de Larfeld dans le Bursians Jahresber., vol LXVI (1892), p 36.