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grande, tous les animaux sans exception, les plus gros comme les plus petits, les plus élevés comme les plus infimes dans l'échelle des êtres.



IV

Nous ne croyons pas devoir nous arrêter longtemps à la théorie des sens d'Anaxagore. Ce qui la caractérise surtout, c'est qu'elle ne reconnaît le principe de la relativité que là où les faits ne permettent aucun doute, par exemple en ce qui concerne le sentiment de la température. Le philosophe sait bien que la même eau paraît plus ou moins chaude suivant que l'on a plus ou moins froid à la main. A part cela, il considère les sens comme des témoins dont les informations sont limitées, mais dont la véracité ne laisse rien à désirer. Leur témoignage nous permet, il en est persuadé, de nous faire une image absolument fidèle du monde extérieur. Nous avons fait suffisamment connaître à nos lecteurs la théorie de la matière qu'il en a déduite. Cependant il ne sera pas mauvais de se la remettre ici en mémoire avec les considérations sur lesquelles elle est fondée. De ces deux prémisses : « il ne se produit pas de changements de propriétés », -« les objets possèdent réellement les propriétés que les sens nous révèlent », découlait inévitablement cette conclusion : « toute différence des propriétés sensibles est fondamentale, primordiale et immuable ; il n'y a donc pas une ou plusieurs matières primitives, mais il y en a une foule innombrable ». Ou, pour parler plus exactement, il ne subsiste de distinction qu'entre les agglomérations de particules homogènes (auxquelles Anaxagore donne le nom d'homoioméries 09 ) et les agglomérations de particules hétérogènes : la distinction entre les formes matérielles primitives et les formes matérielles dérivées tombe. Ainsi, Anaxagore était retourné à la naïve conception que se fait de la nature l'homme primitif; il avait reculé bien au delà de la théorie de la matière de ses prédécesseurs, et